18 des serpents les plus rares au monde

 

 

La rareté est un terme ambigu. Qu’est-ce qu’une espèce rare ? Une espèce discrète, faible en densité, bien camouflée, mais que l’on retrouve largement distribuée à travers la planète (comme le Indotyphlops braminus, le serpent le plus répandu au monde) est-elle rare ? A l’inverse, une espèce en très forte densité, très vivement colorée, mais confinée sur une île perdue du pacifique sud à 2000km de toute civilisation est-elle rare également ? Enfin, une espèce jamais contactée depuis sa description peut-elle être considérée rare ? Pour le besoin de cet article, nous considérerons comme rares les serpents correspondants à ces trois cas de figure.

 

 

Les serpents présentés dans cet article excitent ma curiosité et ma passion d’une manière obsédante. Tous les jours, je pense à ces serpents en me demandant que mangent-ils ? Et ce serpent, quel est sont rythme nycthéméral (cycle jour/nuit) ? Et ces espèces, la nature de leur venin ou simplement leurs véritables livrées ? Comment les autochtones interagissent-ils avec elles ? Autant de questions sans réponses qu’il me tarde d’élucider par des voyages d’exploration herpétologique.

 

 

Voici donc 18 espèces de serpents parmi les plus rares et méconnus au monde.

 

Note : je ne possède aucun droit pour les photographies utilisées ici. Si leur auteur désire leur suppression, il peut me contacter via la page contact du site.


1 - Le Tricot rayé de Crocker (Laticauda crockeri) :

 

Ce serpent est endémique de l’Île Rennell, qui géologiquement parlant n'est pas une île à proprement parler mais un atoll corallien surélevé, le plus grand du monde, dans le pacifique sud, à 1500km des côtes australiennes et 1000km de la pointe orientale de la Papouasie Nouvelle-Guinée. Sur cette île de 660km², se trouve un lac d’eau saumâtre appelé le lac Te Ngano ou Tungano (ou encore Tengano), dans lequel on peut encore observer des épaves d’avions de la seconde guerre mondiale. Et dans ce gigantesque lac vit un serpent appartenant à la sous-famille des Laticaudinés, serpents-marins, même si celui qui nous concerne ne l’est plus vraiment. Le Tricot rayé de Crocker ne nous est connus que par de rares séries de photos trouvables sur internet. Les publications scientifiques que j’ai pu glaner ici et là sur internet nous montrent que l’espèce n’est pas dure à trouver sur le lac, mais... il suffit d’y aller, sur ce caillou perdu qui reçoit moins de 10 touristes par an. Contrairement aux autres tricots rayés qui sont vivement colorés, il est brun foncé, annelé de bandes légèrement plus claires. Partageant le lac avec son comparse le tricot rayé à lèvres jaunes (Laticauda colubrina), qui se nourrit habituellement exclusivement de murènes, et qui dans le lac se nourrit uniquement d’une espèce d’anguille, le tricot rayé de Crocker, lui, semble se nourrir de gobies, mais très peu de données ont été récoltées à ce sujet. Nous ne savons toujours pas son mode de reproduction : ovipare ou vivipare ? Tous les Laticauda pondent des œufs, le plus souvent à terre mais parfois sous l'eau, celui-ci l'est donc probablement... mais les habitants de l'île affirment le contraire, pour eux, il met bas de petits serpenteaux déjà formés, et l'on trouve parfois des femelles avec des serpenteaux à l'intérieur. Trois expéditions sur l'île entre 1977 et 1981 pour tenter d'élucider ce mystère ont eu lieux, pendant lesquelles 262 spécimens furent examinés, dont trois femelles disséquées, et les scientifiques ne trouvèrent ni œufs...ni serpenteaux. Le mystère reste entier ! Les deux séries de photographies que vous pouvez voir ici sont parmi les uniques disponibles sur internet, en dépit de celles de spécimens morts et conservés que l’on trouve dans les papiers scientifiques. Il y a peu de choses que je ne donnerai pas pour avoir le privilège d’aller observer cette merveille mystérieuse dans son environnement naturel, qui au passage est un paradis sur terre.

Crédits photos :

Ryanphotographic.com

Obinfiji sur Inaturalist
iNaturalist : jqRichmond

Michael McCoy, Reptiles of the Solomon Islands, Pensoft Publishings, 2006.
Mia Browne (Google earth).
Google earth, captures d'écran personnelles.


2 - Le tricot rayé de Niue (Laticauda schistorhynchus) :

 

Très proche du Tricot rayé asiatique (Laticauda semifasciata), cette espèce difficile à déterminer au premier coup d’œil est endémique de l’île Niue, minuscule îlot du pacifique sud, perdu à 3900km des côtes australiennes, et à 2500km des côtes nord de la Nouvelle Zélande, à laquelle il appartient. Ce petit coin de paradis abrite une forte densité de serpents marins, qui constitue d’ailleurs une attraction touristique pour les plongeurs. Ce serpent, très venimeux comme l’immense majorité des serpents marins, est curieux et non agressif. Pour le différencier de son proche cousin, les critères sont essentiellement mérisitiques, c’est-à-dire concernant l’écaillure.

Crédits photos :

 

rlawswall sur Inaturalist
emr_auckland sur inaturalist
Google earth, captures d'écran personnelles.
Sunil Thaor sur google earth
Heiner Große-Lindemann sur google earth


3 - Le Python d’Oenpelli (Nyctophilopython oenpelliensis) :

 

Quittons les serpents-marins pour s’intéresser à un groupe d’espèces de pythons endémiques d’îles et autres territoires reculés et inhospitaliers de l’écozone australasienne. Cette région abrite des espèces rares et absolument magnifiques. C’est le cas, par exemple, du python d’Oenpelli. Endémique de l’ouest de l’Arnhem Land, dans le territoire du Nord de l’Australie, ce serpent ne nous est connu que par une poignée de spécimens. Il commence petit à petit à être reproduit en captivité. Atteignant jusqu’à 4,50m pour ce que l’on sait, il possède des motifs ingénieux, qui donnent une impression d’élongation pour le moins surprenante. Il fait partie des très rares serpents à changer de couleur au cours même de la journée : il est pâle avec des tâches plus foncées la nuit, et devient plus rougeâtre pour se camoufler dans les escarpements rocheux dans lesquels il vit le jour. Extrêmement rare pour les occidentaux, il est en revanche très connu des aborigènes, qui le nomment "Nawaran", et l’ont fréquemment représenté dans leurs peintures pariétales et leurs pétroglyphes.

Crédits photos :

Whatsnakeisthat.com
Jordan Mulder sur Flickr
julicainbondi.wordpress.com
outbackfree.com
Google earth, captures personnelles.


4 - Le Python d’Halmahera (Simalia tracyae) :

 

Ce serpent appartient au complexe des "scrub-pythons", ou complexe des pythons améthystes, une grande espèce (la plus grande de l’Australasie) largement répandue mais jusqu'à il y a peu, mal définie scientifiquement parlant. Auparavant une seule espèce, elle est aujourd’hui éclatée en une multitude d’espèces mieux définies. Endémique de la province des Moluques du nord sur l’île d’Halmahera en Indonésie, ce python a été décrit par le couple Barker, couple d’éleveurs mexicains mondialement respectés par la communauté herpétologique, dont le mari lui a donné le nom de sa femme, Tracy. Le critère qui permet de le distinguer immédiatement est son iris rouge, qui est doré ou noir chez tous les autres représentants de ce genre. Nous ne connaissons pas sa taille maximale car trop peu de spécimens ont été observés dans la nature, mais le spécimen type (celui qui a servit à décrire l’espèce) mesurait 2,80 mètres, et l'herpétologue Ruud De Lang, spécialiste des serpents indonésiens, nous dit dans son livre sur les serpents des Moluques qu'il peut atteindre 4 mètres. On ne connaît pas non plus son régime alimentaire, mais on suppose qu’il se nourrit de chauves-souris frugivores et d’oiseaux.

Crédits photos :

David G. Barker
slangenforum.com
moreliapythonradio.com
worldbirder.blogspot.com
Google earth, captures d'écran personnelles.
iCan Hipnography sur google earth


5 -Le python à écailles dures (Morelia carinata) :

 

Il est le python avec l’aire de répartition la plus minuscule au monde : il est endémique d’une zone de 80km² dans la région de Kimberley, dans le nord de l’Australie occidentale. Pas plus d’une dizaine de spécimens sont connus à ce jour. Il est le seul python au monde a avoir les écailles carénées, c’est-à-dire avec une bande dure longitudinale sur chaque écaille, donnant un aspect rugueux au serpent. On suppose qu’il se nourrit d’oiseaux, au vue de ses grandes dents à l’avant des mâchoires, mais il pourrait aussi se nourrir de lézards. Le plus grand spécimen mesuré atteignait 2 mètres.

Crédits photos :

Mark O'Shea
Brad Chiplin sur Flickr
Google earth captures d'écran personnelles.
Dan Wood sur google earth


6- Le python de Tanimbar (Simalia nauta) :

 

Largement méconnu, ce beau python est endémique des îles de l’archipel Tanimbar, dans la province des Moluques en Indonésie de l’est, dans la mer d’Arafura, au nord de l’Australie. Faisant lui aussi parti du complexe des "scrub pythons", c’est leur plus petit représentant, sa taille est peu connue mais Ruud De Lang, citant les Barker, nous mentionne une taille maximale de 2,20 mètres à ce jour. Il se nourrit probablement de petits mammifères et d’oiseaux.

Crédits photos :

Andreas Ballaman sur Wikidata
David G. Barker
Captures d'écran personnelles sur google earth
Kalwedo Channel sur google earth


7 - Le python de Seram (Simalia clastolepis) :

 

Endémique des îles de Seram et d’Ambon, dans les Moluques en Indonésie, on ne sait pas grand-chose de ce serpent, si ce n’est qu’il est très polymorphique : certains spécimens sont gris avec des yeux noirs, d’autres sont bruns avec des yeux or, et certains spécimens sont concolores, c’est-à-dire sans motifs. Il atteint 4 mètres, pour le maximum que l’on sait. Comme la majorité des pythons australasiens, il habite les forêts tropicales denses.

Crédits photos :

sains.kompas.com
adashinoren.blog95.fc2.com
ramatours.nl
Google earth, captures d'écran personnelles


8 – Le Boa de Cropan (Corallus cropanii) :

 

Quittons maintenant la région australasienne pour traverser le globe et atterrir en Amazonie, au Brésil plus exactement, pour découvrir le boa à la plus petite aire de répartition au monde, le Boa de Cropan. Ce serpent, connu par moins de 10 spécimens collectés, est endémique des forêts montagneuses de São Paulo. Il semblerait qu’il soit le moins arboricole des serpents de ce genre et le plus primitifs des boas néotropicaux. Après le dernier spécimen vivant observé en 1953, plus rien... jusqu'en 2017, 64 ans après, quand des agriculteurs, sensibilisés par des scientifiques menant un projet sur l'espèce, ne le reconnaissent dans la nature et n'appellent les spécialistes pour constater la découverte incroyable.

Crédits photos :

icmbio.gov.br
Bruno Rocha
Google earth, captueres d'écran personnelles
gettyimages.com


9 – Le boa des forêts brun (Tropidophis fuscus) :

 

Ce serpent n’ayant pas de nom vernaculaire, je me suis permis de franciser son nom scientifique. Ce curieux serpent appartient à la famille des Tropidophiidés, appelés communément boas des forêts ou boas nains. Ces serpents sont répartis en Amérique Centrale, Amérique du Sud et dans les Caraïbes. Ils présentent des caractères primitifs, comme la présence d’une ceinture pelvienne (vestige de membres postérieurs), mais également des caractères d’une évolution récente, comme un poumon trachéal bien développé. Ils ont longtemps suscité l’interrogation chez les herpétologues : sont-ils des colubridés (des couleuvres), ou des boïdés (des boas) ? Ils semblent avoir divergé des boas vrais et ont eu leur famille propre. Le nôtre est endémique de Cuba, et seulement deux spécimens ont été collectés depuis 1992.

Crédits photos :

snipview.com
Youtube


10 - Le Boa de l’Île Ronde (Casarea dussumieri) :

 

Quittons les Amériques pour repartir vers l’est, au nord de l’Île Maurice, dans l’archipel des Mascareignes, sur une petite île volcanique de moins de 2km² appelée l’Île Ronde. Sur cette île vit une famille de serpents unique au monde : les Bolyeriidés. Cette famille est une énigme pour les herpétologues : nous ne savons absolument pas comment ces serpents ont pu atterrir sur cette île très jeune, de quelques millions d’années. Ils possèdent un caractère unique chez tous les vertébrés terrestre : les os maxillaires (sur la mâchoire supérieure), sont composés de deux parties : antérieure et postérieure. Nous ne savons pas de quels serpents ils peuvent bien descendre, mais l’on sait en tout cas qu’ils ne sont pas apparentés aux autres serpents malgaches ou africains. Les Bolyériidés, autrefois deux, sont maintenant une famille monospécifique. En effet, l’un d’eux, le boa fouisseur de l’île Ronde (Bolyeria multocarinata) (notons que ces serpents ne sont pas des "boas" à proprement parler) n’a pas été aperçu depuis 1975 et est considéré comme éteint. Au 19ème siècle, l’homme provoqua une catastrophe écologique en introduisant des chèvres et des lapins sur l’île, qui détruisirent les végétaux (donc la couche d’humus dans laquelle vivait le boa fouisseur), eux-mêmes constituant la nourriture d’insectes, qui étaient la proie de geckos, et ainsi de suite, jusqu’aux serpents. Le B. multocarinata n’a pas survécu, en revanche, celui que vous pouvez voir en photo ci-contre a bien frôlé l’extinction (75 spécimens vivants dans les années 70) mais a survécu grâce à un programme de reproduction en captivité initié en 1977 et de restauration de son environnement mis en place en 2000, avec une station de terrain autonome sur l’île même, qui est strictement interdite d'accostage aux non-scientifiques. Il n’existe à ce jour aucune photographie du boa fouisseur, mais nous en avons heureusement quelques unes de son comparse survivant.

Crédits photos :

durrell.org
edgeofexistence.org
tbaalumniblog.wordpress.com
Richard Gibson
Google earth, captures d'écran personnelles


11 - Le serpent à petits yeux des Salomon (Loveridgelaps elapoides) :

 

Retournons dans l’une de mes régions préférées, le Pacifique sud. Nommé en l’honneur de l’herpétologue Arthur Loveridge (1891-1980), ce serpent est endémique des îles Salomon. Il ne dépasse à priori pas le mètre et vit dans la jungle humide. Les locaux le craignent et l’appellent le "shark of the jungle" (le requin de la jungle), pour une raison que nous ignorons. Il est rare et nocturne, et semble être plus facile à observer près des ruisseaux. De la famille des élapidés (serpents-corail, mambas, cobras, taïpans), il est donc venimeux, mais nous ne savons rien de son venin, et aucune morsure n’a été rapportée. Étant proche d'un serpent papou très venimeux (Micropechis ikaheca), la prudence est de mise avec cette espèce. On le suppose ovipare. Sa livrée est très variable d'îles en îles, et des spécimens mélaniques (tout noirs) sont connus de Malaita. Les 4 spécimens que vous voyez à droite sont les uniques photos de spécimens vivant disponibles à ce jour. Bien sûr, probablement que des promeneurs salomonais l'ont déjà photographié, mais malgré mon insistance sur Facebook, aucune des pages gérées par des citoyens de l'archipel n'ont répondu à mon message. Je possède également une photo d'un cinquième spécimen vivant, généreusement donnée par une personne dont je garde l'anonymat et à qui j'ai promis de ne pas la diffuser.

Crédits photos :

Mike McCoy

Youtube

iNaturalist : jqRichmond

iNaturalist : Tetepare herp species guide (Isaac Rush)
rebloggy.com
Google earth, captures d'écran personnelles


12 - Le serpent tâcheté des forêts (Toxicocalamus spilolepidotus) :

 

Ce serpent n’a qu’un nom vernaculaire anglais que j’ai traduis ici. Il s’agit également d’un élapidé, endémique des Mont Kratke, dans la région des Hautes-Terres Orientales en Papouasie Nouvelle-Guinée, région dangereuse par ses ravins et ses tribus potentiellement non-contactées. Il est connu de seulement deux spécimens conservés au musée national de Papouasie Nouvelle-Guinée et au musée américain d’histoire naturelle. D’après l’herpétologue Mark O’Shea, c’est un très beau serpent, croyons le sur parole, car les uniques photographies disponibles de l’espèce, dont il est l’auteur, ne le mettent pas vraiment en valeur. Il ne dépasserait pas les 80cm, et nous ne savons rien de son venin. Il se nourrit d’invertébrés, probablement de vers de terre, et possiblement d’œufs d’amphibiens et de reptiles. Note : la plupart des Toxicocalamus, genre endémique de Nouvelle-Guinée, ne sont connus que d'un ou deux spécimens tout comme celui-ci, mais nous avons choisit cette espèce pour sa beauté en guise d'exemple.

Crédits photos :

Mark O'Shea
HomoCosmicos sur Alamy.com
Google earth, captures d'écran personnelles


13 – Le serpent-corail des îles Salomon (Salomonelaps par) :

 

Endémique des Îles Salomon (au sens large, incluant l'île Bougainville et l'île Buka), ce petit serpent ne dépassant pas 1,20m est fort méconnu. Venimeux, on ne sait pas encore grand-chose de son venin, mais une envenimation sévère a été rapportée sur un garçon de 15 ans en 2018. Le jeune homme a été mordu 3 fois de suite à la cheville, et le serpent ne voulant pas lâcher prise, il a été contraint de le tuer avec sa machette. Ce cas constitue l’unique documentation que l’on a des effets du venin de ce serpent très rare sur l’homme. Arrivé à l’hôpital à 19h30, le garçon avait déjà un ptosis (paralysie faciale), symptôme typique des venins neurotoxiques des élapidés, il présentait des difficultés respiratoires grandissantes et avait les jambes quasiment paralysées. Il finit par être intubé suite à un arrêt respiratoire. Il n’y a bien entendu aucun anti-venin pour un serpent aussi rare et peu connu. Le jeune homme s’en est sorti au bout de 5 jours d’hospitalisation. Espérons que cet épisode qui a frôlé la tragédie motivera les autorités à subventionner des recherches sur l'espèce. Je me propose d'ailleurs bénévole, n'hésitez surtout pas !

Crédits photos :

Michael McCoy

Allen Allison

pbase.com
plantcrazy007 sur inaturalist

iNaturalist : jqRichmond

iNaturalist : Tetepare Herp Species Guide (Isaac Rush)

Michael McCoy, Reptiles of the Solomon Islands, Pensoft Publishings, 2006.
Captures d'écran personnelles sur google earth

Paysage


14 – Le serpent fouisseur des îles Fidji (Ogmodon vitianus) :

 

Ce minuscule serpent de 30 à 50 centimètres étonne plus d’un herpétologue. Endémique de l'île de Viti Levu (un peu plus de 10 000km²), aux îles Fidji, à 3000km des côtes australiennes et à la même distance des îles Salomon. Difficile d'imaginer comment un petit élapidé a pu arriver dans un endroit aussi isolé. Comme son nom l’indique, il est fouisseur, et peu évoluer à 1 mètre sous la surface. Il peut être observé après les pluies. Localement, il est appelé "Bola", "Bolo" ou encore "Gata ni balabala", signifiant "le serpent des ruisseaux de montagne". On ne sait rien de son venin. Il se nourrirait d’invertébrés. D’un gris pâle tirant parfois sur le bleu, avec une petite visière blanche sur la tête (qui disparaît avec l'âge), c’est un très beau et fascinant serpent, que j’aimerai énormément observer dans son milieu. En 1998, des chercheurs ont séquencé son ADN, révélant qu'il descend de Toxicocalamus preussi, un serpent de Nouvelle-Guinée, qui serait arrivé jusqu'ici (3000km de distance rappelons-le...) soit par la méthode de colonisation dite du "radeau" (par exemple une femelle gestante est dans une souche qui tombe à l'eau lors d'une tempête et voyage ainsi jusqu'à de nouveaux horizons), soit apporté dans les serres d'un oiseau qui l'aurait fait tomber par mégarde au dessus de l'île. Les photographies que vous voyez ici sont les seules disponibles à ma connaissance.

Crédits photos :

Michael McCoy

ryanphotographic.com
Auteur inconnu, Twitter.

George R. Zug : Reptiles and Amphibians of the Pacific Islands, page 55 (plate 30).

Paysages :
beautifulholidays.com.au

Tom Till
Google earth, captures d'écran personnelles


15 – Le serpent-corail de Bougainville (Parapistocalamus hedigeri) :

 

L’Île Bougainville est la plus grande île appartenant administrativement à la Papouasie Nouvelle-Guinée, mais faisant géographiquement parti de l’archipel des îles Salomon. Elle est quasiment collée à l’Île Buka que nous avons évoqué précédemment. Ce serpent en est endémique et est l’un des plus méconnus au monde, aucune donnée naturaliste n’a été rapportée depuis sa découverte en 1934. Nous ne savons rien de son venin, rien de sa nourriture, nous supposons qu’il est ovipare mais nous ne savons pas combien d’œufs il peut pondre bien entendu. Il ne dépasserait pas 50cm, mais nous ne pouvons rien certifier. Fait surprenant : la présence d’un diastème au maxillaire (espace vide de dents derrière les crochets à venin). Ce serpent ne serait donc aucunement apparenté aux autres serpents du Pacifique sud mais plutôt aux élapidés sud-américain, ce qui est une énigme. La photographie ci-contre, prise dans un musée avec un spécimen conservé, est l’unique disponible. Je donnerai beaucoup pour partir à sa recherche, le photographier, le filmer, prélever son venin, contribuer à sa connaissance.

Crédits photos :

Mike McCoy
Peter John Tate sur google earth
Google earth, captures d'écran personnelles


16 – La couleuvre à collier de Chypre (Natrix natrix cypriaca) :

 

Revenons un peu plus près de chez nous et posons notre regard sur l’un des plus beau serpents du paléarctique : la couleuvre à collier chypriote. Elle est une sous-espèce de la couleuvre à collier, c’est-à-dire qu’elle fait parti de la même espèce, mais des particularismes morphogénétiques dus à un isolement biogéographique l’ont fait diverger dans l’évolution. Endémique de Chypre, cette sous-espèce est gravement menacée. Nous l’avons cru éteinte dans les années 60, mais une population de 454 à 650 spécimens a été redécouverte en 1992 dans le barrage de Xilyatos. Beaucoup de spécimens sont mélaniques, c’est-à-dire entièrement noirs. Elle est considérée en danger critique d’extinction.

Crédits photos :

viperas.de
amphibien-reptilien.com
kinigicy.blogspot.com
Felix Baier & Hans-Jörg Wiedl : "The re-evaluated conservation status of the mountain populations of the highly endangered Cyprus grass snake, Natrix natrix cypriaca (Hecht, 1930), with miscellaneous natural history notes."
Google earth, captures d'écran personnelles


17 – Natrix natrix schweizeri :

 

Sous-espèce grecque de la couleuvre à collier, endémique des îles minuscules de Milos, Kimolos et Polyaigos. Absolument splendide, elle ne possède pas de collier, mais des tâches de style léopard le long du corps. Je n’ai jamais rien trouvé de bien concluant à son sujet. Je sais simplement qu’elle est splendide, rare et endémique d’îles, alors elle me plaît !

Crédits photos :

viperas.de
Luca Di gregorio sur google earth
Barbaria Psyllisnikos sur google earth
Google earth, captures d'écran personnelles


18 - Le Fer-de-Lance Doré (Bothrops insularis) :

 

Terminons ce voyage en repartant sous les tropiques, plus précisément sur l’île de Queimada Grande, au large du Brésil. Internet est remplis d’articles sensationnalistes à son sujet, car cette île possède la plus grande densité de serpents au mètre carré. Ces articles se titrent souvent "L'île mortelle de vos pires cauchemars" ou "Le pire endroit au monde, vous voudriez mieux mourir que d'y être !", personnellement, je donnerai n'importe quoi pour y être largué au moment où j'écris ces lignes. Le fer de lance doré est le plus venimeux serpent d’Amérique du Sud. On pense qu’il est arrivé sur l’île il y a entre 100 000 ans et 1 million d’années par la méthode du radeau, par exemple une souche dérivante après une tempête. L’île a servit de repaire de pirates, et encore aujourd’hui, des braconniers y sévissent. Personne n’y habite, et c’est l’armée qui une fois par an vient entretenir le phare, auparavant entretenu par une famille tragiquement disparue sur l’île. De par sa dangerosité évidente et du patrimoine naturel inestimable qu’elle représente, elle est strictement interdite d’accès, et seuls de rares privilégiés ont eu la chance inouïe d’observer les fers de lance dorés dans leur milieu naturel. Il y a environ 5000 spécimens sur l’île qui elle fait 430m², avec une densité d’environ 1 spécimen par mètre carré en moyenne. Ils sont absolument partout ! Dans les grottes, sur la plage, dans la jungle, au sol, dans les arbres, et même dans le phare. L’herpétologue Mark O’Shea a trouvé 16 spécimens en moins d’une heure sur l’île. Fait intéressant, il y a une immense majorité de mâles, quelques rares femelles, et des spécimens dits intersexes, c’est-à-dire des femelles avec des organes mâles inutilisés. Ils atteignent jusqu’à 1,20m et son vivipares.

Crédits photos :

Nayeryouakim sur Wikipédia
icmbio.gov.br
B.J Anderson sur Flickr
Youtube
amusingplanet.com
moco-choco.com
Google earth, captures d'écran personnelles



Conclusion :

 

Nous espérons que le lecteur nous pardonnera la longueur de cet article, mais il nous est impossible de nous arrêter lorsque l’on parle des serpents, particulièrement des serpents rares et endémiques d’endroits reculés et mystérieux. Effectivement, nombre de ces serpents ne sont pas particulièrement beaux, ou s’ils le sont, nous n’avons pas de photographies en témoignant à notre disposition. Mais si nous vous présentons ces animaux au premier abord peu intéressants, le but est de casser l’assertion courante voulant que l’on ait quasiment tout trouvé sur terre, et que la majorité des espèces encore inconnues étant uniquement des invertébrés et des espèces abyssales. Les espèces décrites ne sont pas forcément très documentées, énormément d’entre-elles ont été décrites il y a plusieurs décennies voire plusieurs siècles et n’ont pas été redécouvertes depuis. Il n’est pas un jour sans que je ne pense à ces serpents rares et méconnus, m’imaginant à leur recherche dans ces endroits sauvages, merveilleux et mystérieux. Gardons le feu sacré de l'aventure ! J’espère un jour réaliser tous ces rêves, et remplacer les photographies empruntées dans les livres et sur internet de cet article par des photographies personnelles ! En attendant, j’espère encore une fois avoir fasciné le lecteur par la découverte de ces animaux fantastiques qui me rendent heureux chaque jour.

 

Guillaume Tessereau, 07/04/2020.

Commentaires: 5
  • #5

    Guillaume Tessereau - Naturamagnifica (dimanche, 10 juillet 2022 12:16)

    Bonjour Hermann.

    Merci beaucoup pour votre commentaire, j'en ai profité pour relire cet article que j'ai écrit il y a déjà plusieurs années, alors que ma bibliothèque herpétologique n'était pas aussi fournie qu'aujourd'hui. J'y ai repéré plusieurs erreurs que j'ai corrigé, ajouté quelques informations, ainsi que quelques photos, n'hésitez pas à le re-parcourir !

    Cordialement, Guillaume.

  • #4

    Hermann TIOFOUE LONTSI (dimanche, 10 juillet 2022 00:45)

    J'apprécie beaucoup cet article riche et très explicite. Merci pour ce travail.

  • #3

    Guillaume Tessereau - Naturamagnifica (mercredi, 10 novembre 2021 09:58)

    Hi Robert.

    Thanks a lot for your comment. I hope you'll also appreciate my other articles about snakes which concern their strange feeding behavior or their world record in different category.

    I think that this year I'll put these articles as videos on youtube.

  • #2

    rrobert (mercredi, 10 novembre 2021 08:10)

    I really value your hard-working work for bringing this helpful article thank you for sharing this helpful data. https://dissertationcapital.com/

  • #1

    Stéphane Chalayer (vendredi, 04 septembre 2020 14:53)

    Merci pour vos recherches et pour cet article passionnant.